1. Principe général et constat
L’idée centrale est d’introduire un filtre de pertinence en amont du processus de votation afin que seules les initiatives suffisamment solides, réalistes et jugées viables atteignent la votation officielle.
L’objectif n’est pas de restreindre la démocratie directe, mais de la concentrer sur des objets qui méritent réellement un débat national approfondi.
Le problème visé est structurel : un nombre important d’initiatives aboutissent à des rejets massifs, après des campagnes longues, coûteuses et énergivores, mobilisant citoyens, médias et institutions pour des issues largement prévisibles. (Projet climatique 78% NON, Service citoyen 84% NON)
Cette saturation produit du bruit politique, épuise l’attention collective et dégrade la qualité du débat.
2. Son intégration dans le processus
Le mécanisme proposé ne modifie pas l’entrée dans le système : le dépôt reste strictement identique, avec la récolte de 100’000 signatures valides et le dépôt fédéral. Le droit d’initiative est intégralement préservé.
Une fois l’initiative déposée, le Conseil fédéral rend son avis, comme aujourd’hui. La différence est que cet avis structure désormais la suite du parcours.
En cas d’avis favorable, l’initiative accède directement à la votation officielle, sans étape supplémentaire.
En cas d’avis défavorable, l’initiative ne va pas immédiatement en votation mais passe par une étape de préfiltre citoyen, conçue comme un signal de viabilité, non comme une décision législative.
3. Son fonctionnement
Ce préfiltre repose sur un panel représentatif de 10’000 citoyens, tirés au sort parmi les votants actifs. L’ordre de grandeur est assumé : environ 2,5 millions de votants actifs, ce qui revient à considérer qu’une voix du panel représente environ 250 votants.
Les personnes sélectionnées sont convoquées par un courriel officiel et répondent sur une plateforme fédérale sécurisée, avec une authentification de niveau bancaire garantissant identité, intégrité et traçabilité du processus.
La réponse demandée est volontairement simple : Oui / Non / Abstention.
Il ne s’agit pas de débattre, d’amender ou de négocier le texte, mais d’évaluer un critère unique : la viabilité perçue de l’initiative.
Les résultats sont compilés, vérifiés et publiés de manière transparente.
Ce mécanisme est explicitement présenté comme un tri des initiatives peu pertinentes ou insuffisamment préparées, sans prétendre trancher sur la valeur morale ou politique de l’objet proposé.
4. L’effet du verdict
Un seuil clair est fixé : 35 % de soutien. En dessous de ce seuil, l’initiative est arrêtée, même si les signatures sont juridiquement valides. Au-dessus, elle poursuit son chemin normal vers la votation.
Le bon sens collectif du panel tranche si un objet mérite d’engager tout le pays dans un débat lourd et coûteux, et s’il apporte une plus-value envisageable pour la collectivité.
Point fondamental : le verdict du panel ne crée pas de loi, ne modifie aucun texte juridique et ne remplace pas la décision populaire finale. Il permet simplement de filtrer et prioriser les initiatives, pour que seuls les objets réellement pertinents soient débattus et mobilisent les citoyens, les médias et les institutions.
5. Sur la qualité du débat
Le but n’est pas de débattre moins, mais de débattre mieux. En réduisant le nombre d’objets voués à l’échec, le filtre diminue le bruit politique, la saturation médiatique et les coûts publics, tout en revalorisant le temps et l’attention du citoyen.
Il crée également une incitation structurelle pour les initiants : proposer des textes plus réalistes, mieux étayés, plus cohérents avec le réel institutionnel et économique.
L’avis du Conseil fédéral est ainsi revalorisé, non comme autorité bloquante, mais comme éclairage jalonnant d’un parcours intelligent, lisible et assumé.
Une médiatisation courte et ciblée (une à deux semaines) accompagne la phase de préfiltre, afin d’informer sans saturer. Une bonne idée d’initiative est claire et immédiatement compréhensible : aucune idée évidente ne nécessite une longue défense partisane ou politique, ce qui permet un traitement rapide et efficace.
Si l’initiative franchit ensuite le filtre, l’intérêt médiatique et politique se déploie alors pleinement, comme aujourd’hui, mais sur un objet déjà jugé digne d’attention.
À terme, l’ambition est un débat plus serein, plus efficace et plus profond : moins d’initiatives, mais mieux structurées, produisant une discussion de meilleure qualité.
6. Bascule conceptuelle majeure
Cette épuration libère un espace mental et médiatique où le débat public peut changer de nature. Tables rondes et plateaux ne sont plus contraints par la logique de duel permanent entre camps, mais peuvent fonctionner comme des espaces polyphoniques : clarification, hiérarchisation des enjeux, confrontation argumentée orientée vers des solutions.
La comparaison avec le Conseil fédéral ne porte pas sur le choix citoyen, qui reste souverain, mais sur la dynamique du débat public. De la même manière que le Conseil fédéral mêle des sensibilités différentes pour ajuster une décision gouvernable plutôt que produire un affrontement stérile, le préfiltre rend les avis publics comparables, pondérables et donc harmonisables.
Le débat cesse d’être une bataille binaire entre deux camps figés. Il devient plus puissant précisément parce qu’il est polyphonique : la pluralité des voix, une fois désaturée du bruit partisan, permet d’affiner la mire collective, de corriger les angles morts et de viser le réel plutôt que la victoire symbolique.
Ce déplacement apporte une plus-value indéniable au système démocratique et modifie positivement l’image d’une politique trop souvent perçue comme un sport de confrontation, en la réorientant vers l’intelligence collective, l’harmonisation des points de vue et la qualité des décisions.
Complément technique (100’000 / 150’000 / 200’000)
L’idée d’augmenter à 200’000 signatures circule dans les sphères fédérales, pour freiner l’explosion d’initiatives trop faciles et peu pertinentes.
Il serait logique aujourd’hui, en tenant compte de la croissance démographique suisse, d’adapter naturellement le seuil à 150’000 signatures.
Dans tous les cas, même avec 100’000 signatures, le préfiltre permet de filtrer efficacement : seules les initiatives solides progressent.
Maintenir le seuil à 100’000, combiné au préfiltre, stimule les partis et initiants à travailler sur le fond, proposer de vraies solutions, et tester leurs textes via un retour direct du panel.
Conclusion
Le préfiltre stimule un terreau politique prolifique en relevant le niveau d’exigence : seules les propositions solides et pertinentes émergent, ce qui revitalise le débat public.
Parallèlement, il permet de tester plusieurs initiatives simultanément, donnant un retour direct aux initiants et favorisant l’expérimentation rapide de plusieurs pistes sans alourdir le processus de votation officielle.
Cette dynamique modifie également le rôle du citoyen : il peut participer à la discussion de manière réelle et significative, intervenir sur plusieurs propositions, s’informer et donner son avis, sans être contraint par les logiques d’appartenances partisanes traditionnelles.
Ainsi, le préfiltre ne tue pas le débat politique : il le revitalise, favorise l’émergence de propositions solides de bon sens, et crée un cercle vertueux où l’innovation, la pertinence et la participation citoyenne sont valorisées tout en respectant pleinement la souveraineté populaire.